Savoir dire Adieu


Quelques mois avant la sortie d'un nouvel album qui serait en 2012 porté aux nues par la critique, une figure de la Variété expliquait à quelques amis que les concerts lui sont devenus une «corvée», que son public est «laid et vieillissant», qu'il lui inspire même «du mépris», concluant qu'«ayant mieux à faire que chanter pour ces cons», elle se demandait s'il lui fallait encore prendre la route, cette «longue route» dont parlait Barbara dans Ma plus belle histoire d'amour. Confidence ou provocation? Des propos iconoclastes qui donnent à l'artiste une épaisseur inattendue. Ricet Barrier et Jean-Claude Darnal (que Boris Vian adorait, mais l'on s'égare) racontaient en rigolant combien Jacques Brel, avec lequel ils partageait l'affiche à la fin des années 50, pouvait être rosse envers son public.  «Qu'est-ce qu'ils sont cons ce soir!», leur soufflait-il parfois, exténué, en sortant de scène, ne répondant jamais aux rappels. «Demande-t-on à deux boxeurs qui s'en sont mis plein la gueule pendant quinze rounds d'en faire un petit seizième pour contenter les spectateurs?» Mais l'homme qui créa Amsterdam, Mathilde, Les Bourgeois, La Chanson des Vieux amants, Le Plat pays, La Fanette, Ces gens-là, Quand on n'a que l'amour et Ne me quitte pas, parmi tant d'autres uppercuts, eut l'honnêteté de quitter le ring à 36 ans. Définitivement. Quel âge accuse cette vedette de la chanson contemporaine? Elle est déjà plus vieille que Jacques Brel lorsqu'il fit ses adieux à l'Olympia fin 1966. Ça calme.

Baptiste Vignol